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Théodore de Mopsueste : sa vie, son oeuvre

1. Théodore est né vers 350 dans une famille aisée d'Antioche ; il a suivi, avec Jean Chrysostome — comme avant eux Basile le Grand à Constantinople — l'enseignement du célèbre rhéteur Libanios, dans sa ville natale d'Antioche, où celui-ci s'était retiré en 354. Avec Jean il entra dans l'Askétérion de Diodore de Tarse pour mener une vie monastique consacrée à l'étude spirituelle, surtout de la Bible, mais trois mois après, il pensait déjà à quitter la communauté pour se marier et devenir avocat. Les exhortations de son ami Jean, qui sont conservées (Ad Theodorum lapsum), l'amenèrent cependant à rester au monastère. En 383 le patriarche Flavien, le successeur de Mélèce, l'ordonna prêtre et, à partir de 386, il séjourna chez Diodore, qui était évêque de Tarse depuis 378. En 392, la ville proche de Mopsueste le choisit pour devenir son évêque, et il remplira cette fonction jusqu'à sa mort, en 428.

De son activité pastorale, qui se répercute aussi dans ses écrits, émergent ses discussions avec les hétérodoxes, son explication de la Bible et ses instructions aux catéchumènes et aux croyants. En 418 Julien d'Éclane et quelques-uns de ses amis évêques, après leur destitution pour pélagianisme, cherchèrent refuge auprès de lui ; il les accueillit d'abord — Julien traduisit même l'un de ses commentaires des Psaumes en latin — mais il les fit ensuite condamner par un synode de Cilicie.

Son oeuvre

Théodore a commenté les livres les plus importants de l'Ancien Testament et une grande partie de ceux du nouveau: le Pentateuque en son entier, les Psaumes, les grands et les petits prophètes, Job, l'Ecclésiaste, le Cantique des cantiques, Matthieu, Luc, Jean, les Actes des Apôtres, toutes les lettres de Paul (y compris aux Hébreux).

La méthode exégétique de Théodore se situe dans le prolongement de celle de son maître, Diodore, mais il la précise et l'approfondit. L'unique histoire de l'humanité se déroule en deux périodes, séparées par l'incarnation du Christ. Il faut donc interpréter l'Ancien Testament en fonction de la situation d'alors ; mais dans la mesure où il a préparé la venue du Christ, il peut aussi prendre, par-delà cette signification première, un sens typologique. Pour cela il faut cependant que soient remplies trois conditions :

  • que les événements de l'Ancien et du Nouveau Testament soient comparables ;
  • qu'ils aient déjà une force salvifique concrète dans l'Ancien Testament ;
  • Ils doivent être subordonnés à la réalité du Nouveau Testament.

Bien que Théodore reconnaisse ainsi dans les prophéties des Psaumes, dans la libération d'Égypte, dans Jonas, etc., des Typoi du Christ et du Nouveau Testament, il n'en fait guère usage dans la pratique. Quels que soient les liens qui unissent l'Ancien et le Nouveau Testament, il n'en voit pas moins entre eux une différence si fondamentale qu'il oppose les païens et l'Ancien Testament réunis au Nouveau. Dans la perspective selon laquelle la seconde période de l'histoire de l'humanité commence avec l'incarnation du Christ et s'étend jusqu'à l'accomplissement eschatologique, le Nouveau Testament, outre son explication par ailleurs entièrement littérale prend lui aussi une signification plus prophétique, davantage référée à l'avenir qu'au passé.

Un seul des ouvrages dogmatiques de Théodore, où il bataille surtout contre les hérétiques de son temps, est entièrement conservé (dans une traduction syriaque) : la transcription d'une Disputatio cum Macedonianis qui s'est tenue à Anazarbus, en 392. Au début du XXème siècle, le métropolite chaldéen, Addaï Scher, a possédé pendant un court laps de temps un manuscrit syriaque du principal traité christologique de Théodore, le De incarnatione : il l'avait découvert en 1905 à Seert (Kurdistan), mais en 1922, lors d'un pillage de sa bibliothèque, il s'est à nouveau perdu.

Dans sa doctrine sur la Trinité, comme dans sa christologie, Théodore s'en tenait fermement à la tradition orthodoxe. Mais tandis que les Cappadociens et le concile de Constantinople (381) avaient déjà trouvé la solution définitive pour la doctrine sur la Trinité, cette solution faisait encore défaut pour la christologie, à savoir la réponse à la question du mode d'union de la divinité et de l'humanité dans le Christ, sans qu'elles se dissolvent l'une dans l'autre, mais aussi sans qu'en restant parallèles, elles constituent une dualité. Théodore partait de la théologie traditionnelle de l' homo assumptus et soulignait clairement contre Apollinaire la plénitude de la nature humaine dans le Christ. En mettant ainsi l'accent sur la pleine consistance de la nature humaine, il s'exposait au danger d'une doctrine des deux fils, dont on l'accusera plus tard, dans le contexte du nestorianisme. Mais un examen plus attentif de ses écrits montre qu'il n'a pas succombé à ce danger.

Depuis leur découverte en 1932, les seize Homélies catéchétiques de Théodore, parvenues jusqu'à nous dans une traduction syriaque, comptent, avec les écrits mentionnés dans l'Excursus 3, parmi les principales sources pour notre connaissance de l'initiation chrétienne, mais pour celle, aussi, de la théologie authentique de Théodore. Comme d'habitude, les dix premières, sur le Credo de Nicée, avec une attention particulière pour la doctrine de la Trinité et pour la christologie, s'adressent aux candidats au baptême, les six autres sur le Notre Père (11), la liturgie baptismale (12-14) et l'eucharistie (15-16) aux nouveaux baptisés.